Salon de Montrouge

Anaël Pigeat, 2011

Constance Nouvel explore des strates de réalités, les fragmente et les recompose. Elle détourne l’instant décisif au profit d’un surgissement progressif de l’image photographiée. En ce sens, la vidéo Découvrements (2008) est fondatrice de ses recherches actuelles. On y découvre l’espace intime d’une maison. Une main décolle au scalpel des épaisseurs successives de papier, laissant apparaître les pièces les unes après les autres, couches visuelles et couches de sens.

Avec le même goût pour un certain artifice, Constance Nouvel lie étroitement le vrai et le faux dans Décors I et Décors II (2010). Elle a photographié au Japon des intérieurs d’aquarium, étranges reconstructions d’une réalité factice. Et si les voyages sont pour elle des sources d’inspiration, les exotismes apprivoisés que l’on retrouve dans ses images rappellent plutôt l’artifice des papiers peints panoramiques du XIXème siècle, et les premiers panoramas, ancêtres du cinéma.

La question du dédoublement de l’image, et de ce que l’on voit vraiment, est également au cœur du travail de Constance Nouvel. La scène poétique et absurde de Désœuvrer le tableau – une toile est montée sur châssis et posée sur un coussin – est ainsi complétée par une image sœur de la première, seulement un peu plus sombre. Celle-ci apparaît sur un morceau d’aluminium qui semble se décoller du cadre, comme arraché, pour révéler ce qui se trouve dessous. Non moins sculpturale, Double-fond (2010) se compose de deux images identiques superposées à quelques centimètres l’une de l’autre, la première, fragmentée en carrés régulièrement déchirés qui laissent apparaître, dans les interstices, la seconde image en double fond.

 Manipulant la matière, Constance Nouvel enrichit souvent ses photos d’un geste qui les rapproche de la sculpture.

Elle utilise la photographie mais c’est en artiste qu’elle agit sur ses images argentiques. Par exemple, une plaque de plexiglas présentant une cage de perspective est fixée sur Décors II, ce qui ajoute à l’image une profondeur supplémentaire, mais sur une partie seulement de sa surface. Dans La 25ème image (2010), c’est avec une gouge qu’elle taille l’épaisseur d’un bloc d’images collées les unes aux autres, pour en laisser apparaître les couches successives, comme des dénivelés de carte géographique géologique. Enfin, image dans l’image, le cadre revêt une importance cruciale dans les œuvres de Constance Nouvel. C’est le cas dans Enième vue (2010) où l’on aperçoit un écran, peut-être un moniteur téléscopique, empoigné par un homme de dos. Les gratte-ciels d’une ville moderne apparaissent sur un fond de ciel contenu à l’intérieur de l’objet manufacturé. Dans une veine semblable, cadre ou écran, Hall (2010) pourrait synthétiser cette préoccupation : une porte en verre opaque masque une entrée d’immeuble. En même temps, elle révèle et structure l’espace, faisant aussi fonction d’écran, à la fois cache et support de nos projections. Une tentative de délimiter un espace intime révélé par la subjectivité de celui qui regarde, telle pourrait être une définition des recherches de Constance Nouvel.


56ème édition, salondemontrouge.com/archives