Prix Yishu 8

Henry-Claude Cousseau, 2014.

Parlant de sa méthode, Constance Nouvel recourt à une déclaration qui éclaire parfaitement son entreprise: « je choisis des sujets qui peuvent réunir par analogie différents espaces: le photographié, la photographie, et le photographique. » Vaste programme, mais qu’elle conduit avec une rigueur et une inspiration renouvelées. Pas de sujets ou de répertoire iconographique spécifiques dans son travail, pas de thèmes de prédilection ou d’espaces à explorer systématiquement. Mais le principe d’une analyse de ce que peut être encore aujourd’hui la photographie, ce médium si propagé. C’est la philologie du photographique qu’elle a donc décidé de questionner, son histoire, ses artifices et ses procédés autant techniques que sémantiques. 

Pour ce faire l’artiste met en oeuvre des dispositifs qui ont à voir avec l’installation et les trois dimensions dans de subtiles mises-en-scène spatiales où la photographie s’empare souvent de l’objet. Ceux-ci lui permettent d’introduire la dimension critique, la distance stratégique, les subterfuges qui sont inscrits dans son travail, soulignés par la présence constante du cadre. Ce sont des mises en abîme, comme dans cette image où les mains de l’opérateur déchirent l’image au premier plan pour nous dévoiler celle qui est dissimulée derrière, suggérant un mécanisme qui pourrait se répéter à l’infini, ou celle de ce spectateur qui contemple l’image paradoxalement fixe d’un écran vidéo accroché sur un mur, ou encore celle faite d’un collage d’images déchirées qui dévoilent la géologie énigmatique d’une autre. Toutes ces images sont  empruntes d’une grâce et d’une délicatesse particulières qui ne dédaignent pas les suggestions de l’imaginaire et de la rêverie, notamment au travers de l’usage récurrent du paysage. C’est un piège: en feignant de nous montrer le monde poétisé, distancé, de ses images, Constance Nouvel nous force en fait à une prise de conscience et, en conséquence, à succomber au charme irrésistible qu’elles exercent sur nous et dans lequel elle nous enferme d’autorité.


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